"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 6 février 2014

Sur Parlons d'Orthodoxie: Constantinople et Moscou après la révolution bolchévique...

Les relations entre le Saint patriarche  Tikhon et le patriarcat de Constantinople


Nos lecteurs seront surpris d’apprendre que Constantinople a collaboré avec le régime soviétique dès son instauration, quitte à sacrifier le saint patriarche Tikhon. Les relations entre les deux patriarcats sont jusqu’à présent restées difficiles. 


*** Par Dimitri Safonov Le patriarche Tikhon a dû, en juin 1924, faire face à des dangers suscités par la politique du patriarcat de Constantinople. Le patriarche de Constantinople est traditionnellement considéré comme étant le primus inter pares. Il n’en découle cependant pas qu’il dispose de droits particuliers en ce qui concerne les Eglises orthodoxes locales. Au début des années 1920 la politique conduite par les patriarches de Constantinople a changé du tout au tout s’écartant de plus en plus de la tradition orthodoxe. Cela s’est manifesté d’une manière évidente sous le règne du patriarche Meletios IV (Metaxakis), 1921-1924. Son objectif était d’introduire des changements radicaux, similaires à ceux que préconisaient les « rénovationnistes » en Russie soviétique dans la vie de l’Eglise.. Meletios IV s’ingérait d’une manière brutale dans la juridiction du patriarcat de Moscou. En violation des canons il octroya l’autocéphalie à des parties constituantes de l’Eglise russe se situant en Finlande, en Pologne et en Estonie. [En mai-juillet 1923 le patriarche Meletios a réuni à Constantinople son « Concile panorthodoxe ». A peine une dizaine de personnes y assistaient. Aucune d’entre eux ne représentait d’une manière officielle quelque patriarcat que ce soit. « Le Concile » introduisit le calendrier grégorien et abrogea le calendrier julien. Il y fut décidé d’amender le calendrier pascal établi d’une manière immuable par une décision du Premier Concile œcuménique. Les clercs se virent autorisé à arborer une coupe de cheveux, le port obligatoire de la soutane passa aux oubliettes, les mariages non canoniques autorisés ainsi que le deuxième mariage des prêtres. Le « Concile » a par ces décisions enfreint l’ordre et l’unité qui prévalaient au sein des Eglises autocéphales. Le renforcement en Russie de l’église rénovationniste dite « vivante » a grandement contribué au succès de la politique conduite par Meletios. Les réformes modernistes des rénovationnistes étaient similaires à tout ce que préconisait Meletios. Lorsqu’il devint patriarche d’Alexandrie (1926) le synode de « l’église vivante » écrivit à Meletios : « Notre saint synode vous adresse ses vœux les plus sincères et se souvient avec reconnaissance du soutien moral que Votre Béatitude nous a accordé lorsque vous étiez patriarche de Constantinople nous reconnaissant en tant que seul et unique organe dirigeant légitime de l’Eglise orthodoxe russe ». Les successeurs de Meletios, Grégoire VII et Constantin VI, restèrent en communion avec « l’église vivante » Grégoire VII alla jusqu’à appeler le patriarche Tikhon à abdiquer. Ce patriarche insistait auprès des archevêques russes Anastase et Alexandre séjournant alors à Constantinople pour qu’ils cessent d’intervenir contre le pouvoir des soviets en Russie et de commémorer le patriarche Tikhon. Il les exhortait à reconnaître la légitimité du pouvoir bolchevik. N’ayant pas été suivi il ordonna une enquête, puis interdit les deux archevêques a divinis. Grégoire VII s’adressa au patriarche Dimitri de Serbie le priant d’interdire le Synode des évêques russes à Sremski Karlovici. Il se heurta à un refus du patriarche serbe. En été 1924 le synode rénovationniste dit « Evdokimov » soutenu par la GPU faisait courir la rumeur que le patriarche de Constantinople avait démis le patriarche Tikhon et l’avait même interdit a divinis (Izvestia, N° 124, 1 juin 1924). La GPU souhaitait faire valoir le prestige dont bénéficiait le patriarche de Constantinople pour renforcer les rénovationnistes et en faire le foyer de l’église russe. Et, en même temps, persuader le patriarche Tikhon de se retirer. La police politique mettait en œuvre tous ses moyens pour que ce soient précisément les rénovationnistes qui apparaissent être l’église légitime aux yeux du patriarche de Constantinople. Il convient cependant de rappeler que le patriarche de Constantinople, certes premier dans les dyptiques, ne dispose d’aucun pouvoir sur le patriarche de Russie. La 2e Règle du II Concile œcuménique interdit aux évêques de s’ingérer dans la vie des autres diocèses. Quoi qu’il en soit la GPU, de concert avec les rénovationnistes, comptait se servir du patriarche de Constantinople pour se débarrasser du patriarche Tikhon. Le 17 avril 1924 le synode du patriarcat de Constantinople décida d’envoyer une mission en Russie afin qu’elle y étudie la situation de l’Eglise. Il découlait du texte de la décision que Constantinople considérait « l’église vivante » comme seule légitime. La GPU soutenait au sein de l’église son agent, le prêtre Krasnitzky et, en même temps s’efforçait de discréditer le patriarche Tikhon. La commission du patriarcat de Constantinople fut installée le 30 avril. Le 6 mai 1924 Grégoire VII intervenant à une réunion du synode appela le patriarche Tikhon à renoncer à ses fonctions et à ne plus gouverner l’Eglise russe. Le Synode chargea la commission « de s’appuyer dans son travail sur les tendances au sein de l’église qui sont fidèles au gouvernement de l’URSS », c’est-à-dire sur les rénovationnistes. Le Synode de Constantinople se prononça en même temps pour l’abrogation du patriarcat en Russie. Cependant, les Eglises orthodoxes locales n’accordèrent pas toutes leur soutien aux rénovationnistes. Une délégation du patriarcat de Jérusalem se rendit en Russie en février 1924. Elle était conduite par Constantin Grigoriardi qui se fit une idée objective de la situation en Russie soviétique et qui se prononça sans réserve en faveur du patriarche Tikhon, légitimement élu. Il condamne le rénovationnisme en tant que tel. Les documents cités sont conservés dans les archives d’Emelian Yaroslavsky (Mineï Goubelman de son vrai nom), président de la commission antireligieuse du Comité Central. Le pouvoir soviétique œuvrait à renforcer le prestige des rénovationnistes aux yeux de l’opinion mondiale et voulait faire croire qu’ils bénéficiaient du soutien de l’orthodoxie universelle. Le 6 juin 1924 Basile Dimopoulo, représentant du patriarcat de Constantinople en URSS, fit parvenir au patriarche Tikhon des extraits du procès-verbal de la réunion du synode de Constantinople. Ce texte appelait le patriarche Tikhon à renoncer à ses fonctions. Le 18 juin, comme il s’en suit des messages des métropolites Pierre et Séraphin, le patriarche Tikhon adresse une lettre à Grégoire VII. Il y souligne la non canonicité de l’ingérence du patriarcat de Constantinople dans la vie de l’Eglise russe. Il est dit dans cette lettre : «Le peuple n’est pas avec les schismatiques mais avec son patriarche orthodoxe légitime. Le renoncement au patriarcat ne ferait que le jeu des rénovationnistes schismatiques ». Après la réception de cette lettre Grégoire VII rompt tout contact avec le saint patriarche Tikhon et ne communique qu’avec les rénovationnistes. Sous l’influence des représentants des soviets à l’étranger d’autres patriarches orientaux suivent l’exemple donné par Grégoire VII. Les soviets réussissent donc à isoler du monde extérieur l’Eglise russe canonique ce qui représente une menace pour l’orthodoxie universelle. Le patriarcat de Constantinople projette la tenue en 1925 d’un Concile panorthodoxe. Ce devait être une assemblée rénovationniste illégitime. Le 10 juin 1924 une assemblée préconciliaire rénovationniste se réunit à Moscou et décide d’abroger le patriarcat en tant que tel. Un compte-rendu consacré à cette assemblée est établi par le pouvoir. Il y est dit : « 156 popes, 83 évêques, 84 laïcs ont pris part à cette assemblée. 126 agents secrets de la GPU ont été missionnés pour prendre part à l’assemblée » C’est-à-dire près de 40% des participants. 
Traduction Nikita Krivochéine 

Les relations entre le Saint patriarche  Tikhon et le patriarcat de Constantinople

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