"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 6 juin 2015

Le rôle de la personne dans l'histoire: sainte Xénia




Il n'y a probablement pas un seul manuel d'histoire qui parle de la Bienheureuse Xénia de Saint-Pétersbourg, dont nous célébrons la mémoire   [le 24 janvier/ 6février]. Pourtant, chaque manuel d'histoire contient immanquablement quelque chose sur Napoléon et ses actes Ces deux personnes ont vécu à peu près au même moment, au tournant du XIXe siècle. Leurs contributions à l'histoire sont-elles en effet complètement disproportionnées?

Les actes de Napoléon sont bien connus: des centaines de milliers de victimes (dont certaines sont enterrées ici, dans le monastère Sretensky); des églises dévastées et pillées - et pas seulement en Russie, mais aussi à Venise, par exemple, et dans toute l'Europe, et ... les vies ruinées de beaucoup de gens en son temps. Napoléon exerce également une influence spirituelle considérable, comme en témoignent les œuvres de Tolstoï et Dostoïevski, par exemple Raskolnikov, tourmenté par le doute - "Suis-je une créature tremblante ou ai-je le droit?" - qui  massacra la vieille femme avec une hache, avec pourrait-on dire,  le nom de Napoléon sur ses lèvres...

La vie de la bienheureuse Xénia est également bien connue de nous : À l'âge de vingt-six ans, encore une tout à fait jeune femme, elle devint soudain veuve. Elle prit sur elle la lutte ascétique [podvig] de folie pour l'amour du Christ, abandonnant sa maison, errant toujours en veste rouge et  jupe verte, ou en veste verte et jupe rouge, étant soumise au ridicule et aux insultes constantes, tout en restant en prière incessante. Pour ses longues années de lutte ascétique, incompréhensible pour le monde, la Bienheureuse Xénia reçut de Dieu la grâce d'aider les gens rapidement et efficacement; son rôle dans le sort des milliers d'êtres fut manifesté clairement et triomphalement.

Son don particulier était dans la résolution des problèmes de famille de beaucoup de gens. Un jour, lors d'une visite de la famille Golubev, la Bienheureuse  Xénia annonça à leur fille de dix-sept ans : "Ici, tu fais du café pendant que ton mari est en train d'enterrer sa femme à Okhta... cours-y vite !" La jeune fille, confuse, ne savait pas comment réagir à ces paroles étranges, mais la Bienheureuse Xénia la força - littéralement avec un bâton - à aller au cimetière Okhta à Saint-Pétersbourg. Là, enterrant sa jeune femme qui était morte pendant l'accouchement, il y avait un médecin qui pleurait, inconsolable, et qui finalement perdit conscience. Les Golubev essayèrent de le réconforter du mieux qu'ils purent. C'est ainsi qu'ils firent connaissance. Le contact  continua après une certaine période de temps et, un an plus tard, le médecin  proposa le mariage à la fille des Golubev; leur mariage fut aussi heureux que cela était possible. Des cas semblables où la Bienheureuse Xénia aida à des familles sont innombrables: elle est vraiment devenue une génitrice de vies humaines.

Napoléon est enterré dans le centre de Paris, dans le dôme de la chapelle des Invalides, où les touristes viennent avec impatience jeter un regard à son sarcophage de porphyre rouge monté sur un piédestal de granit vert. Personne ne vient pour prier ou pour lui demander quelque chose. Pour nos contemporains, Napoléon est juste une pièce de musée, une partie du passé ossifié. Son influence aujourd'hui est négligeable : au mieux, il peut fournir du matériel banal pour les films, ou pour des exercices pseudo-historiques pour graphomanes en herbe.

La tombe de la Bienheureuse Xénia a été, pendant plus de deux cents ans déjà, une source de guérison, une aide efficace dans des circonstances difficiles, et la résolution de problèmes insolubles. Ainsi, la Bienheureuse Xénia est apparue à un homme souffrant d'alcoolisme, lui disant sévèrement: "Cesse de boire! Les larmes de ta mère et de ta femme ont inondé ma tombe!" ai-je besoin de mentionner que cet homme ne toucha jamais à nouveau à la bouteille?



Chaque jour des milliers de personnes se rassemblaient (et continuent de se rassembler) sur la tombe de la Bienheureuse Xénia, demandant son aide et laissant des notes avec des appels au secours ; ces notes ont toujours couvert la chapelle de la sainte comme une centaines de guirlandes, des milliers et des millions de notes ont invoqué son nom. Mais pas une seule note n'a jamais été laissée sur la tombe  de porphyre rouge sur un piédestal vert de Napoléon?

Dans les études historiques contemporaines, le terme "histoire sociale" est de plus en plus répandu. Cela va dans une direction très prometteuse, car cela attire l'attention sur la vie des gens simples, sur la signification de "petites actions" dans la vie de la société, et des rôles décisifs de gens ordinaires dans le processus historique.

On aurait tort de penser que l'histoire est faite par les puissants de ce monde ou aux sommets du pouvoir politique: l'histoire n'est pas du tout ce que l'on nous montre à la télévision, l'histoire réelle a lieu dans le cœur humain: si quelqu'un se purifie par la prière, la pénitence, l'humilité et la patience dans l'épreuve, alors son rôle dans sa propre vie, et donc dans la vie de ceux autour de lui - et donc dans toute l'histoire humaine - augmente d'une manière incommensurable.

La Bienheureuse Xénia ne fut pas à la tête d'un gouvernement, ne rassembla pas une armée de milliers d'hommes, et ne dirigea pas des campagnes de conquête ; simplement elle pria, jeûna, humilia son âme, et patiemment elle endura toutes sortes d'offenses. Pourtant, son influence sur l'histoire humaine a été infiniment plus grande que celle de n'importe quel Napoléon. Même si les manuels d'histoire n'en parlent pas...

Le Christ, cependant, nous parle de cela dans l'Evangile car "que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s'il perd son âme? [Marc 8:36] Ayant à l'esprit l'exemple de Napoléon et de la Bienheureuse Xénia, ces paroles     deviennent d'autant plus convaincantes.

L'histoire n'est faite ni au Kremlin, ni à la Maison Blanche, ni à Bruxelles ni à Strasbourg, mais ici et maintenant dans nos cœurs, s'ils sont ouverts à Dieu et aux gens. Amen!


Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après



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